Groupe vocal Gymel Direction : Pierre Louis Godeberge

La Liturgie orthodoxe

LA LITURGIE ORTHODOXE

Pourquoi une des liturgies orthodoxes est-elle dénommée « de St. Jean Chrysostome » ?

Saint Jean Chrysostome (347-407) était le Patriarche (archevêque) de Constantinople. Il est un des Pères de l'Eglise, il fut surnommé “chrysostome“ en raison de sa très grande éloquence (du grec Χρυσόστομος, « bouche d'or » et en slavon : zlatoust, златоуст).

Auparavant moine puis évêque d'Antioche (Asie Mineure, actuellement Turquie), son nom est étroitement associé à une réforme du rite et à une forme de chant liturgique qu'il a apportée à Constantinople, ceci jusqu'au XIVe siècle.

Avant que Saint Jean Chrysostome réformât le rite, l'église orthodoxe employait une liturgie plus opulente, connue sour le nom de “Grande Liturgie“, que Saint Basile (328-379) avait introduite. Celle-ci est encore maintenue en usage dans l'Eglise orthodoxe, notamment pendant le Carême.

Langue                                                                                                       

Grecque d'origine et de langue, la liturgie orthodoxe a toujours été célébrée dans les pays christianisés de l'Est de l'Europe dans cette langue vernaculaire qu'on appelle slavon ou slave d'église[1], “lingua franca“ des églises orientales. Ecrite en glagolite puis en cyrillique, elle est aussi transcrite en caractères latins dans les pays du centre de l'Europe (Bohème, Moravie).[2]

De tout temps cette langue a permis la compréhension des textes et des prières par le peuple ce qui a encouragé sa foi et favorisé sa participation aux offices et cérémonies. Elle a ainsi évité un excès de cléricalisation.

Histoire

Origine et expansion de l'orthodoxie russe

En 988 a lieu à Kiev le baptême des Rus', peuple slave dont le prince est Vladimir. Celui-ci hésita longtemps entre le christianisme de l'Occident latin, le Judaïsme et l'Islam. On raconte que, ayant envoyé des émissaires à Constantinople, ceux-ci en revinrent tellement éblouis par la splendeur du culte que le prince choisit finalement de se convertir au Christianisme orthodoxe byzantin.

Même apocryphe, ce récit indique le rôle significatif de la liturgie dans le Christianisme russe.

Aux Xe et XIe siècles sont donc importés à Kiev, la capitale des Rus', un culte et une liturgie splendides, ainsi que le modèle grec de bâtir et de décorer des églises, d'édicter les règles des monastères, de traduire du grec en slavon les Saintes Ecritures afin de les mieux diffuser dans le peuple et également les formes et les styles de la musique byzantine.

Il s'établit ensuite, à partir et au-delà du Xe et jusqu'au XVIIe siècle, un parallélisme d'évolution entre les églises russes et grecques, celle-là s'alignant sur celle-ci, avec les règles monastiques de prière (cf. le Typikon de St Sabas observé au Mont Athos et adapté à la Russie par le Métropolite Cyprian de Kiev aux XIIIe et XIVe s. ; ou l'usage de célébrer les Vêpres).

Caractère de la liturgie

Pour les Orthodoxes, la liturgie est une école de prière, de spiritualité, de théologie, de vie chrétienne et donc une école de civilisation. On parle de « Divine Liturgie », pour l'office des dimanches et des fêtes pendant lequel est célébré l'Eucharistie et dont elle est le sommet et l'événement eschatologique.

 

Liturgie de Saint Jean Chrysostome

La Liturgie de St. Jean Chrysostome ou Divine Liturgie est la forme standard de la liturgie orthodoxe byzantine. Elle correspond à la messe, à l'Ordo missæ romain, mais possède une plus grande richesse. C'est un continuum de prières, de psaumes, d'hymnes, de répons et d'exclamations, composé de tous les rites et textes invariables de l'Ordinaire, parfois augmenté des prières, lectures et chants propres à chaque fête particulière.

Alors que les messes en latin mises en musique se bornent généralement à l'Ordinaire, dans la Divine Liturgie tout est chanté, souvent à plusieurs voix, par les intervenants, solistes, prêtres, officiants, célébrants, un ou plusieurs diacres, groupe de chanteurs, un ou deux chœurs et parfois par toute l'assemblée des fidèles.

Forme de base

La forme de la Divine Liturgie est celle de la liturgie occidentale et de toutes les familles chrétiennes.

Deux unités la composent :

1°) Liturgie de la Parole :

  • Lectures des Saintes Ecritures ;
  • Prêche et intercession.

2°) Liturgie de l'Eucharistie :

  • Prière eucharistique ;
  • Fraction du pain ;

Dans la liturgie orthodoxe, les transitions sont souvent très développées, notamment entre :

  • L'Entrée ;
  • Les deux Liturgies ;
  • La Communion et l'Envoi.

 

Déroulement de la Divine Liturgie

            La première partie de cette liturgie est appelée “Proskomide“ (Проскомидия [Προσκομιδη en grec] ou “Prothèse“). Il s'agit de la préparation des éléments de sacrifice, du pain et du vin et des parcelles de commémoration de la Mère de Dieu, des saints et de toute l'Eglise. Elle se déroule derrière l'iconostase 3, à la table de la Prothèse, avant le début de la célébration.

           La seconde partie est ouverte aux fidèles. Elle développe un intense dialogue entre le prêtre et l'assemblée des croyants, interrompus par des troparions (hymnes), des ekténies (litanies), des prières, toujours chantées, (molitvy/молитвы), et des versets des Psaumes (Psalom/Псалом).

            La cérémonie culmine avec l'administration de la Communion.

 

Liturgie et musique ?

Si les instruments en sont proscrits, si l'office orthodoxe est entièrement chanté c'est parce que « la voix est le seul instrument animé, le plus noble et le plus naturel pour prier Dieu[4] ». Si le chant est omniprésent dans l'église, c'est que « la prière ne peut se faire sur le ton de la conversation »… Parler de « musique » d'église en orthodoxie n'a donc pas de sens.

 

La liturgie au concert ?

Au concert, toutes les parties de la Liturgie ne sont pas d'un intérêt musical égal : les litanies ou dialogues entre le diacre et le chœur ou l'assemblée, par exemple, ainsi que les prières chantées du diacre qui sont psalmodiées, interprétées très simplement et déclamées recto tono sans beaucoup de recherche musicale.

Les Litanies (« Mir vsě» [“Paix à tous“] ou « I duchovi Tvoěmu » [“Et avec votre esprit“]) ne se prêtent pas à une exécution en concert et sont omises. Il faut donc, si l'on souhaite exécuter une œuvre en concert, privilégier les psaumes, les hymnes les prières chantées car elles sont en général musicalement plus intéressantes.

 

Conclusion

De l'influence de Byzance, l'Orthodoxie russe a gardé le caractère orné et exubérant (différence avec la liturgie occidentale), les multiples processions accompagnées d'encens et de cierges, la place prépondérante de la musique (chantée), le style architectural (plan d'église en croix grecque), le caractère populaire (langue compréhensible par le peuple, le chant commun) et l'accent mis sur le caractère joyeux et victorieux du message chrétien.

© 2020, Pierre Louis Godeberge, Groupe vocal GYMEL-Paris


[1] En anglais : Church slavonic. En allemand : Kirschenslawisch.

[2] A l'époque moderne, l'usage d'une translittération unifiée est apparue. La translittération est le passage d'un alphabet à un autre alphabet et permet de donner des équivalences et de rendre compte de la prononciation du premier. La translittération du slavon généralement utilisée est celle de la slavistique (science qui a pour objet d'étudier les langues slaves). Elle permet de transcrire du cyrillique vers l'alphabet latin augmenté de quelques signes diacritiques (accents suscrits ou souscrits). Ex. : le son « yé » [je] va être translittéré « ě » ou « je ».

[3] Iconostase (Иконостас) : cloison séparant le sanctuaire de la nef. Au centre s’ouvrent les “Portes Saintes“, à deux battants. Seuls l’évêque, le prêtre et le diacre peuvent les franchir. Leur ouverture symbolisent le Royaume des cieux.

[4] “ Seul le mot peut donner au son musical une signification définie sans ambiguïté et, dans la célébration, exprimer les idées contenues dans la prière, les instructions, la contemplation, etc.“ (J. von Gardner).